Magne86

Fontaine du

Puyrabier

Un lieu qui intrigue

Le Puyrabier (ou Puy Rabier) est un hameau très ancien. Il est déjà cité en 1286. En 1334, ce lieu est appelé « arbergamentum de puteo ralerii », traduit par un latiniste comme « le fief du mont de la source de la rivière ».

Les maisons du hameau sont en effet bâties sur le flanc d’un petit coteau dominant une fontaine très connue dans la région. La fontaine (qui est un lieu privé) est l’une des sources de la Belle. Elle a cette particularité d’avoir une eau toujours bleue et posséder de nombreuses légendes.

En voici l'une de ses légendes :

Il était une fois… Il y a bien longtemps, par une année de très grande sécheresse, le propriétaire des lieux et sa jeune femme se désolaient car leur troupeau souffrait de la soif et allait bientôt périr. Ils ne pouvaient même pas le vendre, personne n’en voulait à cause de la pénurie d’eau qui frappait toute la région.

Un jour que l’homme criait tout haut son désespoir, un élégant jeune homme se retrouva soudain à ses côtés.

« Qu’as-tu, brave homme à te lamenter si fort ? N’as-tu point les plus belles terres ?

– Hélas, répond le paysan, il y a longtemps qu’il n’a pas plu, mon puits est à sec et il n’y a plus de quoi faire boire les bêtes. S’il ne pleut pas d’ici demain, tout mon troupeau va mourir.

– N’as-tu pas les plus belles bêtes de la région ? Et en quantité ! Tu as une femme aimante et travailleuse et tu es le père d’une adorable fillette. De quoi te plains-tu ? – Je peux faire un marché avec toi : tu me donnes l’âme de ta fille le jour de ses vingt ans, et dès demain, tu auras autant d’eau que tu voudras. »

L’homme réfléchit. L’âme ? Qu’est-ce que c’est ? Personne n’en a jamais vu ; le curé en parle souvent mais ses réponses sont plutôt vagues quand on lui demande des précisions sur son existence.

« C’est d’accord, dit-il enfin… Bof ! D’ici à ce que la petite ait ses vingt ans, on aura toujours le temps de voir…

– Bon, dit le jeune homme, tu auras de l’eau demain, avant le chant du coq ! »

Et le jeune homme disparaît aussitôt de la vue du paysan éberlué, qui se sent soudain mal à l’aise en pensant au marché qu’il vient de faire. Il rentre chez lui et ne dit rien à sa femme. Mais la nuit tombée, il entend du bruit : dehors, il voit toute une armée de diablotins, farfadets et lutins  qui creusent et déblaient, dans le vallon. Alors, il se rappelle le marché qu’il a passé et rentre raconter cela à sa femme.

« Malheureux, tu as vendu notre fille au diable ! » dit-elle à son mari effondré.

Et ils se mettent à réfléchir au moyen de se sortir de ce grand malheur. Au milieu de la nuit, la femme a une idée : « Tu as bien dit qu’il t’a promis de l’eau avant le chant du coq ; si on saoule le coq, il chantera peut-être plus tôt que d’habitude ; si le diable n’a pas fini son travail, il n’aura pas tenu sa promesse et le marché ne tiendra pas. »

Sitôt dit, sitôt fait. On prépare une bonne « routie » (du pain mélangé à du vin chaud) et on la fait avaler au coq, qui , ivre, se met à pousser de joyeux cocoricos.

Le jour n’était pas loin, et en bas, le travail était presque terminé. Entendant le coq, les travailleurs s’évanouissent dans la nuit et le diable, furieux d’avoir été dupé par un paysan, donne en partant, un coup de talon rageur sur le sol, si fort que l’eau jaillit en grande quantité.

La Belle était née…

Quelques années plus tard, quand la fille eut vingt ans, le diable vint à passer. La voyant au bord de la fontaine, il se précipite sur elle et l’enlève. En se débattant, elle perd son beau châle bleu qui tombe dans l’eau.

C’est depuis ce temps-là que l’eau de la fontaine est toujours bleue.

Ceci est une des nombreuses variantes de la légende de Puyrabier. Dans la plupart, on retrouve la sécheresse, le fermier, sa femme, sa fille (jeune ou à naître) avec son châle ou manteau bleu, le coq, le diable et la « routie ».

Retrouvez la la légende de la fontaine du Puyrabier racontée par Patrick Sitaud sur France Bleu Poitou

Voici une vidéo sur les habitants aquatiques de la source du Puyrabier